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Bonjour Dominique !
Dans l'une de mes correspondances, mon interlocuteur me dit que Jésus parlait
l'hébreu dans sa vie de tous les jours. Il se base entre autres sur un livre
qui semblerait-il affirme cela. Ce livre est : "Comprendre les Mots
Difficiles de Jésus" de David Bivin et Roy Blizzard. Réponse Votre question est très utile et dans l’intérêt de tous. Quelques historiens se sont prononcés pour déclarer que l’hébreu était une langue morte. Dans ce cas comment comprendre ce que nous lisons dans le livre des Actes des Apôtres :
Si en Actes 21 :40, Luc apporte cette précision, c’est que ce n’est pas sans intérêt quand bien même il ne s’agissait pas de l’hébreu ancien (comme le fit un peu plus tard Flavius Joseph). Pour Paul, s’exprimer dans la langue religieuse allait lui permettre d’être écouté dans le silence et avec le respect du à langue du sacré. C'est que nous allons aborder par la suite. Car il est un fait connu que plusieurs langues coexistaient en Palestine: le grec, l’araméen, l’hébreu. A cela s'ajoutait la langue des militaires : le latin. Hormis les villes de la décapole, l’hébreu était la langue sacrée, la langue de la religion, avec laquelle sont écrits "les livres de Moïse". C'était aussi la langue que l’on utilisait pour lire les rouleaux lors de l'office dans la synagogue. Et l’on sait qu’un différent religieux opposa les juifs d’Alexandrie avec les juifs de Judée au sujet de la langue hébraïque. L’hébreu n’était pas une langue morte, loin s’en faut. Disons plutôt qu'elle n'était pas utilisée au quotidien. L’araméen des Chaldéens se répandit parmi les Israélites exilés si bien qu’il a été nécessaire d’expliquer les Écritures à l’époque d’Esdras. On trouve également des termes araméens dans les évangiles, comme : Abba, Bar (fils), plutôt que de l’hébreu “ Ben ” (Barthélemy, Simon Bar-Yona), Gethsémané qui tire son nom de l’araméen, gath shemané (pressoir à huile).Les esséniens qui ne se satisfaisaient pas des rites de leurs contemporains s’étaient religieusement mis en marge de la société. On trouve à Qoumrâm des textes dans les deux langues mais plus particulièrement en hébreu. Ces esséniens créent une présence forte dans les milieux bourgeois, ce qui contraint indirectement les juifs de Judée, traditionalistes, à s'attacher à l'hébreu biblique (les tenants de la Loi ne pouvant pas faire moins que les dissidents). La Mishna (Sotah VII,1-2), quant à elle, établit une différence entre des paroles dites en langue vernaculaire et d’autres qui doivent l’être dans la langue sainte : l’hébreu. Une indication utile est que la langue maternelle de Flavius Joseph est l’araméen avec lequel il produisit son ouvrage avant de le traduire. Cependant, pour lui la vraie culture est de connaître et de savoir interpréter l’Écriture sainte, l’Écriture hébraïque (prophètes, Thora…). Il raconte qu'il s'adresse "en hébreu" ou "dans la langue encestrale" au peuple de Jérusalem assiégé. Hors, de part ses déclarations, il savait très bien faire la différence entre l'hébreu et l'araméen. Avez-vous raison de soutenir que Jésus parlait l'araméen et non l'hébreu ? Non. Mais un non nuancé. Par exemple, la synagogue était l’endroit où on lisait les Écritures hébraïques puis on les interprétait en araméen (ou dialecte hébreu) pour que cela soit compris de tous (Mt 26:73). D'autre part, les synagogues sont très répandues et sont des lieux d’études, autant pour les enfants (une sorte d’école) que pour les adultes. Plus particulièrement en Judée, centre religieux, l’étude de la Thora y est fort prisée contrairement à la Galilée. On y trouve des centres d'études de la Thora. Ce qui crée une sorte de «mur» religieux entre Galiléens et Judéens. Comme nous venons de le considérer, en Judée et à Jérusalem particulièrement, l’hébreu dialectal (araméen) et l’hébreu sacré coexistaient. Jésus faisait ses citations dans la langue sacrée, puis les expliquait. Dans les Evangiles, il y a beaucoup d’allusions faites par Jésus à la parole des Prophètes. Un texte de Moïse, de Jérémie ou d'Isaïe dit dans une autre langue ou exprimé avec d'autres mots que ceux qui étaient connus aurait perdu toute sa puissance. La majorité des discussions de Jésus étaient en araméen, la langue populaire la plus répandue à l’époque. N'a-t-il pas dit : «Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues du peuple d’Israël (Mat 15:24). Eu égard le contexte religieux et géographique, il y a eu des discussions et des discours dans lesquels il employait l’hébreu, la langue de l’Ancien Testament, plus probablement en Judée. Jésus a déclaré : «Je ne suis pas venu pour saper la Loi, mais bien pour l’achever». On peut donc conclure que sa mission fut accomplie dans la langue de son peuple, qui était son propre idiome maternel. Aussi, lorsque Wilfrid Harrington, déclare : "Il est hors de doute que par "l'hébreu" ou "langue des Hébreux" il faut entendre, dans ces textes, l'araméen", son appréciation est suggestive. Elle ne tient pas compte de ce qui se passe au sein des juifs de Judée, traditionalistes, pressés par la présence essénienne de s'attacher à l'hébreu (moderne), de la vie de la synagogue, de la langue rattachée au sacré. Bien que l'islamisme et le judaïsme soient deux religions différentes, pour le lecteur désireux d’y voir plus clair, nous pouvons utiliser le Coran pour exemple. La langue du Coran est difficile à comprendre pour beaucoup de musulmans. Pourtant un grand nombre parmi eux sont capables soit de réciter des sourates entières, soit de citer des versets dont ils comprennent parfaitement bien la signification. Comment cela se peut-il ? Lors des offices, les sourates sont lues dans la langue traditionnelle puis expliquées dans la langue régionale, que ce soit un dialecte, le perse, le marocain, l’algérien, etc. Et quand un musulman pratiquant entend un verset ou une sourate exprimée dans la langue religieuse, il exprime beaucoup de respect. Que vous soyez en Angleterre, en France, ou au Pakistan, c'est dans la langue maternelle que sera expliqué le texte. Il en était ainsi à l’époque de Jésus.
Tous les lecteurs sont invités à considérer l’excellent ouvrage : le monde
où vivait Jésus. Editions du Cerf
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